Les photographies que nous aimons ont été faites quand le photographe a su s'effacer. S'il y avait un mode d'emploi, ce serait certainement celui-là.
Edouard Boubat
Je médite sur cette citation et trouve une similitude entre Edouard Boubat et Pierre Gonnord. Deux photographes que je vous fais partager ici, car je trouve, malgré la différence de technique - l'un a photographié l'humain dans son environnement et l'autre en studio - qu'ils ont la même démarche, que l'acte photographique est le même.
Edouard Boubat
Maître incontesté de la photographie, il a été un amoureux et un témoin des petits plaisirs du quotidien. Il a consacré sa vie à saisir le bonheur avec humour et tendresse.
Il est l'un des principaux représentants de la photographie humaniste française.
Boubat ne cessait de s'émerveiller devant le monde et les hommes : "Photographier, dit-il, c'est exprimer une gratitude".
Dans un état de grâce perpétuelle, il fixait les rencontres, les paysages, les instants de plénitude. Il immortalisait "les moments où il ne se passe rien, sauf la vie de tous les jours".
Il est en quelque sorte un sage, un apôtre, un photographe béat, "Un correspondant de paix", disait Prévert.
Des millions de photos inutiles sont prises tous les jours. Des gens photographient les Pyramides d'Égypte, quand ils pourraient acheter des cartes postales à trois sous sur lesquelles on les voit beaucoup mieux. Ils disposent d'appareils plus perfectionnés, avec plus de moteurs, de zooms et d'automatismes, et ils déclenchent de plus en plus facilement, comme s'ils se disaient "photographions d'abord et nous regarderons ensuite".
Et l'échange alors ?
En photographie nous employons des mots merveilleux. Par exemple : "ouverture". Il y a celle du diaphragme, qui est une chose mécanique, mais il y a aussi notre ouverture à nous. Notre regard, notre rencontre. La photographie est faite de rencontres.
Finalement la photo est comme un baiser volé. Plaisir éphémère, émotion intense.
Quelques photos d'Edouard Boubat
Pierre Gonnord
Il y a beaucoup d’expression chez les modèles immortalisés par Pierre Gonnord. Des modèles qu’il choisit presque au hasard, ou plutôt qu’il cherche dans le rang de ceux qui sortent du lot. Avant de passer à l’acte photographique, Pierre Gonnord s’applique à trouver "quelqu’un qui tranche sur le troupeau des urbains".
De cette démarche apparaissent des images très fortes, émotionnellement parlant, quoique "simples" au premier abord. Les lumières sont faibles mais suffisantes, les cadrages rapprochés mais pas trop, et les tissus sculptés par les ombres : juste ce qu’il faut.
Pour décrire les photographies de Pierre Gonnord, il est finalement inutile d’aller chercher des comparaisons avec la peinture religieuse du XVIIe siècle, avec Le Caravage, Murillo ou Géricault, tant la parenté avec de grandes œuvres picturales est implicite, comme sous-entendue à chaque déclenchement. Les couleurs, les éclairages subtils, la neutralisation du fond par le choix du noir font jaillir sur le devant de la toile la moindre ride de chaque visage éclairé sans violence.
Gonnord aime à neutraliser ses fonds de manière à ce que le spectateur puisse se concentrer sur le sujet. Rien que le sujet.
Quelques photos de Pierre Gonnord Pas d'affolement si vous apercevez sur cette page de drôles de signes. Pour voir les photos, cliquez sur testigos, utópicos, far east, regards ou sur exhibitions dans le menu à gauche.